Le monde mystérieux de l’édition fascine, attire, intimide ; il inspire parfois la crainte des auteurs et souvent le respect des lecteurs. Au milieu de ce dédale, l’auto-édition se fait tranquillement une place. Mais quelle place, au juste ?
Définition de l’auto-édition
L’auto-édition s’est démocratisée en France depuis quelques années. C’est aujourd’hui l’un des 3 modes d’édition les plus répandus, aux côtés de l’édition à compte d’éditeur et de l’édition à compte d’auteur. En effet, 78.000 titres sont déposés annuellement à la Bibliothèque Nationale de France, dont 15.000 sont auto-édités, soit près de 20% des ouvrages !
L’édition à compte d’éditeur, orchestrée par les maisons d’édition ayant pignon sur rue comme Gallimard, Actes Sud ou encore Albin Michel, reste la plus reconnue. Il existe par ailleurs pléthore de petites maisons d’édition spécialisées ou régionales. Ce sont les livres édités par ces maisons d’édition traditionnelles qui concourent pour les prix littéraires, que l’on retrouve chez les libraires et qui sont les plus médiatisés. Pour autant, nombre de livres édités par ce biais restent méconnus du grand public, faute d’être correctement distribués et mis en lumière. Le nombre d’exemplaires des premiers tirages baisse également d’année en année : pour un primo-romancier, il est souvent inférieur à 300 exemplaires. L’à-valoir versé aux auteurs est donc lui aussi mécaniquement tiré vers le bas, avec des sommes souvent dérisoires (moins de 2.000 euros). En général, les contrats d’une maison d’édition octroient moins de 10% du prix de vente du livre à l’auteur. Enfin, les maisons d’édition sont de plus en plus frileuses quand il s’agit de miser sur de nouveaux auteurs, du fait de la surabondance de titres édités : elles préfèrent miser sur des auteurs déjà renommés.
De ce fait, nombre d’auteurs cherchent des solutions alternatives pour publier leurs ouvrages. C’est ce qui explique l’émergence de l’édition à compte d’auteur. Ces maisons d’édition, très différentes des premières, proposent aux auteurs de publier leurs titres en échange du versement d’une somme d’argent, souvent justifiée par les travaux de relecture, correction, mise en forme, création de la couverture ou communication. L’auteur doit ainsi acheter un certain nombre d’exemplaires de son propre ouvrage. Une part significative de ces maisons se fait passer pour des maisons d’édition classiques et trompent les auteurs, qui croient avoir été sélectionnés par un comité de lecture : en réalité, tous les titres reçus sont acceptés, puisque la maison ne prend aucun risque financier à publier leur ouvrage ; au contraire, chaque auteur est une source de revenus. Le travail réalisé par ces maisons est la plupart du temps décevant, laissant passer de terribles coquilles et ne proposant aucun canal de diffusion auprès des libraires. Enfin, plusieurs sont en grandes difficultés financières : en cas de faillite, l’auteur ne verra jamais la couleur des droits qu’il est censé toucher sur les ventes réalisées. Pour terminer, leurs contrats incluent des clauses qui rendent l’auteur prisonnier de son engagement durant plusieurs années.
C’est dans ce contexte que l’auto-édition est née et s’est rapidement fait une place dans l’univers de l’édition. En effet, c’est la seule solution « gratuite » (nous y reviendrons) qui permet aujourd’hui à un auteur de publier un livre qui aurait été refusé par les maisons d’édition traditionnelles ; si tant est que l’auteur ait tenté sa chance, puisque bon nombre se tournent désormais directement vers l’auto-édition, moi y compris. Contrairement aux deux solutions précédentes, l’auteur n’a alors aucun intermédiaire pour éditer son ouvrage : il devient lui-même éditeur. Pour ce faire, il passe par une plateforme d’auto-édition en ligne.
Controverses autour de l’auto-édition
Ne nous voilons pas la face : l’auto-édition n’a pas bonne réputation, et ceci pour une raison simple. L’absence de barrière à l’entrée conduit à une production d’ouvrages de qualité très inégale, voire franchement médiocre : hormis un contrôle exercé par les plateformes d’auto-édition quant au respect des lois et à un cahier des charges assez sommaire de lisibilité de la couverture, l’auteur peut s’il le souhaite publier un livre truffé de fautes, écrit par ChatGPT ou avec les pieds, en caractères 2 et donc illisible ou encore éditer un livre de 25 pages et le vendre 15 euros. Autant vous dire que le lecteur est hyper déçu lorsqu’il reçoit l’ouvrage.
Ces dérives desservent ce mode d’édition. Cependant, il existe des moyens de distinguer le bon grain de l’ivraie :
- Les notes et commentaires des lecteurs sont un indicateur intéressant, dès lors que les achats ont été vérifiés (dans le cas contraire, l’auteur peut facilement les créer lui-même).
- Voir le livre en vrai ou à travers une vidéo permet de mesurer le professionnalisme avec lequel il a été mis en page et le feuilleter permet de s’assurer qu’une véritable correction a été réalisée.
- Suivre l’auteur sur les réseaux sociaux donne une bonne idée de son style, des thématiques traitées et de son niveau de français 😉
Reste votre subjectivité de lecteur, qui aimera ou non la plume et l’histoire. Qui n’a pas acheté le livre dont tout le monde parle et ressenti de la déception à sa lecture ? Il n’est pas rare qu’un livre pourtant légitimé par sa publication dans une maison prestigieuse ou encensé par la critique nous déplaise. Je vous invite donc à adopter le même recul critique vis-à-vis des livres auto-édités : ne pas leur tourner le dos par principe, mais valider avec vigilance qu’ils correspondent à vos goûts et à vos critères.
Avantages et inconvénients de l’auto-édition
Le principal avantage de l’auto-édition est que l’auteur reste maître de l’ensemble des choix relatifs à son ouvrage (date de sortie, titre, couverture, prix, contenu…) et touche un pourcentage bien plus élevé sur le prix de vente (environ 60% hors coût d’impression pour les livres brochés et jusqu’à 70% pour les ebooks). Cette liberté devient d’autant plus précieuse que la concentration des maisons d’édition conduit à des lignes éditoriales convenues et excluent de fait une partie des genres littéraires et des pensées non conformistes.
Le revers de la médaille, c’est que l’auteur se retrouve alors également diffuseur, distributeur, agence de communication, graphiste, correcteur… Sauf à faire appel à des spécialistes pour l’accompagner dans les domaines qu’il ne maîtrise pas. Autant dire qu’il faut détenir de multiples compétences, avoir du temps et faire preuve de rigueur pour aboutir à un ouvrage professionnel, ou disposer d’un budget conséquent : c’est pour cette raison que j’évoquais plus tôt l’idée que l’auto-édition n’est pas vraiment gratuite.
L’hétérogénéité et la multiplication des livres auto-édités induisent un autre écueil : les libraires sont peu disposés à les distribuer et l’auteur doit s’armer de patience et d’une bonne dose d’optimisme lorsqu’il prend son bâton de pèlerin pour aller à leur rencontre et fait face à une large majorité de refus. Même en cas d’accord, les librairies n’acceptent que du dépôt-vente, c’est-à-dire que l’auteur auto-édité leur met à disposition des exemplaires gratuitement, qui ne lui sont payés qu’en cas de vente : là encore, c’est à lui d’avancer la trésorerie. De plus, la commission demandée par une librairie varie entre 15% et 35% du prix du livre, ce qui entame considérablement la marge de l’auteur.
L’autre avantage de ce type d’édition est lié aux modalités d’impression : un titre auto-édité n’est pas imprimé au moment de sa sortie, mais uniquement à la demande. De ce fait, il n’y a pas de notion de stock, d’invendus et de pilon, ce qui est très positif d’un point de vue économique et environnemental. L’auteur peut néanmoins commander des exemplaires pour les vendre directement : cela lui permet d’augmenter sa marge sur chaque ouvrage (il ne paie alors que le coût d’impression et le reste du fruit de la vente lui revient) et d’entretenir un lien direct avec ses lecteurs. En revanche, il faut évaluer correctement le potentiel de ventes du livre, sans quoi il se retrouvera avec un stock sur les bras et aura réalisé une avance de trésorerie inutile. Étant donné que les envois par les plateformes d’auto-édition sont gratuits au-delà d’un nombre raisonnable d’ouvrages, mon conseil est donc de commander peu et de renouveler son stock régulièrement. Cela permet en outre de corriger d’éventuelles coquilles qui auraient été oubliées dans la version précédente : en effet, un livre auto-édité peut être corrigé au fil de l’eau et la nouvelle version est disponible sous quelques jours, autre avantage non négligeable.
Enfin, l’auteur peut choisir à tout moment d’arrêter la publication de son livre, ce qui n’est bien évidemment pas le cas lorsqu’il est lié à une maison d’édition.
À noter que certaines maisons d’édition s’intéressent aux auteurs auto-édités et que ces derniers sont contactés lorsqu’ils gagnent en notoriété. Les ouvrages déjà publiés peuvent alors être réédités par la maison intéressée, qui proposera souvent à l’auteur un contrat pour de futurs ouvrages dans le même temps.
De (très) bons romans à découvrir en auto-édition
Pour terminer de vous convaincre, je vous invite à découvrir l’auto-édition par le biais d’un livre que j’ai beaucoup aimé : Vendetta de Joannic Royer-Bellais, disponible en version brochée et en ebook chez Librinova.
C’est un roman au style enlevé et au rythme haletant, au scénario bien tenu et à la chute parfaite.
Une jeune femme plonge dans les eaux troubles de ses aïeux, entre règlements de compte mafieux et industriels fortunés : sa vie totalement sous contrôle se transforme soudain en véritable capharnaüm.
Si vous avez aimé Kill Bill ou Dexter, vous allez adorer ce livre. Dans un autre genre, vous y retrouverez aussi l’ambiance de la topissime BD Les vieux fourneaux.
Et dire que la suite est pour bientôt… J’attends !
J’espère vous avoir convaincus de vous intéresser aux livres auto-édités, qui, pour certains, gagnent à être connus !