Quatrième de couverture :
Comment anticiper sur ce qui vient et dont personne ne sait rien ? Est-ce si important de savoir, ou au moins d’essayer de savoir, quelque chose en cette matière ? En quoi consiste la prospective, la discipline intellectuelle qui s’intéresse au futur ? Est-elle l’inverse de l’histoire qui ne se soucie que du passé ? Peut-on se passer de penser le futur ?La prospective demeure pour l’opinion non avertie une discipline peu sérieuse : ce livre nourri d’expérience montre que la prospective est une discipline de l’intelligence du futur, ce qui la différencie de la stratégie, cet engagement dans le temps pour réaliser un projet.
La prospective demeure pour l’opinion non avertie une discipline peu sérieuse : ce livre nourri d’expérience montre que la prospective est une discipline de l’intelligence du futur, ce qui la différencie de la stratégie, cet engagement dans le temps pour réaliser un projet.
Note de lecture :
Plutôt que de nous asséner des prédictions de son cru, l’auteur aborde la prospective sous un angle qui se veut méthodique. Il entend ainsi permettre au lecteur de s’autonomiser dans son approche prospective, à la fois pour se libérer de son angoisse existentielle et pour acquérir une forme de liberté, voire pour infléchir l’avenir, avec plus ou moins d’ambition :
« On n’a pas à accepter le monde tel qu’il est. On peut le refaire tel qu’il devrait être. », citation de Nelson Mandela (page 62)
« Il s’agit de trouver ce qui n’existe pas mais adviendra de toute façon, d’entrouvrir la porte étroite entre le bon sens et l’invraisemblable, entre la logique de la raison et l’imagination du rêve, entre la science et l’émotion. » (page 19)
Alternant précisions sémantiques, expériences personnelles et professionnelles et réflexions issues du monde politique, scientifique ou encore artistique, Jacques de Courson oriente le lecteur vers des investigations potentiellement infinies, au gré d’un plan en sept chapitres qui chemine du concept vers la pratique. Il rappelle assez vite ce qui est ici entendu par « prospective » : « le « prospectiviste » dit ce qui pourrait arriver, propose plusieurs « scénarios » et les « itinéraires » correspondants, les « ruptures » éventuelles et les pistes à explorer pour construire le futur. Il ne décide rien ; il éclaire ; il dit le possible. Il permet « L’anticipation au service de l’action » (slogan de la revue « Futuribles »). » (page 40)
Mettons de côté les principaux reproches que l’on pourrait adresser à l’auteur et à son éditeur, à savoir de (nombreuses) fautes et redondances et le discrédit jeté par principe sur certains courants de pensée (appelés dans l’ouvrage les « prophètes de malheur (…) cultivant la médiocrité d’une pensée pauvre » et les « prophètes fatigués qui répètent en boucle le même refrain depuis des lustres : il faut « arrêter la croissance » ») pourtant propres à enrichir des travaux de prospective s’ils se veulent objectifs. Enfin, la fatuité dans les propos, parée d’un voile de fausse modestie, rappelle à certains égards les personnages de Molière les plus désopilants.
Mais revenons à l’essentiel, à savoir à ce que ce manuscrit apporte à son lecteur.
En premier lieu, il propose des citations inspirantes :
« Quelque fois l’avenir habite en nous sans que nous le sachions, et nos paroles qui croient mentir dessinent une réalité prochaine. », citation de Marcel Proust (page 138)
« La première catégorie de la conscience historique, ce n’est pas le souvenir, c’est l’annonce, l’attente, la promesse. », citation de Jean d’Ormesson (page 141)
« L’objet de la prospective est non pas de définir l’avenir probable mais peut-être même d’aller plus loin : tâcher de rendre probable l’avenir souhaitable. », citation de Jacques de Bourbon-Busset (page 165)
« Je crains qu’ici et ailleurs, nous nous entêtions à sacrifier l’avenir au présent. », citation de Nicolas Hulot (page 187)
L’essentiel de la thèse soutenue ici tient à disqualifier le déterminisme et à pousser à une mobilisation qui orienterait l’avenir de l’humanité dans la bonne direction, sans céder aux sirènes des collapsologues et de son fatalisme sous-jacent.
En second lieu, les acteurs de la prospective contemporaine nourrissent le propos, parfois avec humour ou provocation, depuis le père fondateur de la discipline Gaston Berger, en passant par Jacques Poulet-Mathis, Fabienne Goux-Baudiment ou encore Philippe Cahen :
« Regarder l’avenir lointain n’est pas rêver et attendre. C’est faire tout de suite ce qui est en notre pouvoir pour le préparer. », citation de Gaston Berger (page 125)
« Le futur n’est plus ce qu’il était », citation de Jacques Poulet-Mathis (page 77)
« L’actualité nous démontre qu’il est plus que temps (…) de promouvoir la responsabilité, la mesure, la coordination et l’anticipation comme leviers de changement plutôt que la peur de l’avenir. », citation de Fabienne Goux-Baudiment (LinkedIn, 10/03/2020)
« Et si dans quelques années les années Covid auront été les années de la transition souhaitable ? », citation de Philippe Cahen (Twitter, 03/07/2022)
On retrouve dans leurs propos une volonté de prise de contrôle du futur, mais aussi un doute fondateur qui rappelle le célèbre « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » de Socrate. Il est par ailleurs intéressant de noter que beaucoup font référence à des œuvres de science-fiction dans leurs écrits.
L’auteur fait un constat marquant qui, à lui seul, justifie que l’on octroie instamment une place de choix à la prospective dans le débat public : « Nous manquons gravement, comme à aucune autre période de l’histoire française récente, de « grands récits » (…). Depuis la fin des « Trente Glorieuses » (…) et des soubresauts de l’utopie « mai 68 » plus rien, sauf quelques proclamations anarcho-libertaires bien françaises (…). » (page 137)
Enfin, les défauts de ce livre se muent en qualités lorsqu’ils poussent le lecteur à conserver un recul critique face à ce qui est énoncé, lui permettant ainsi d’atteindre l’objectif annoncé de l’auteur : amener tout un chacun à réfléchir, à s’emparer de l’avenir et à l’anticiper, à « attirer le futur souhaité et possible vers nous ». (page 76)
Gageons que Jacques de Courson suscitera des vocations, à tout le moins pour réapprendre à douter et à s’interroger :
« De deux choses l’une, et c’est toujours une troisième qui survient. », citation de Claude Lévi-Strauss (page 72)
Jacques DE COURSON – Éloge de la prospective, Point d’étape de travaux de prospective depuis cinquante années, en France et dans le monde – L’Harmattan – 2020 – 221 pages